Le réseau des C.F.V. du Jura

Le premier avant-projet sérieux

Lors de la session extraordinaire du 25 février 1889, le Conseil Général décide l'établissement des lignes de Lons-le-Saunier à Chaussin et de Lons-le-Saunier à Orgelet et Clairvaux en voie métrique, parallèlement au projet de ligne à voie normale entre Verges et Molinges. Mais peu de temps après, la compagnie du P.L.M. brigue la concession d'une ligne à voie normale reliant Saint-Jean-de-Losne à Lons-le-Saunier, à la place de la ligne de Verges à Molinges, ce qui remet en cause la cohérence du projet de réseau départemental à voie métrique.

Cet événement relance l'étude de la ligne à voie métrique reliant Clairvaux à Jeurre par Moirans, demandée le 7 août 1888 par le Conseil Général. En effet le P.L.M. lie sa demande de concession de la ligne bressane à l'abandon de la ligne jurassienne de Verges à Molinges. Le 3 mai 1889, l'étude la ligne de Clairvaux à Jeurre par Moirans est couplée à une variante allant de Moirans à Saint-Claude, afin de déterminer le projet le plus viable économiquement.

Le 13 mai suivant, le Conseil Général examine les diverses demandes de concessions qui ont été retenues dans le rapport du 29 avril des Ponts et Chaussées. Sept candidats ont été retenus, quatre d'entre eux proposent le système financier de la garantie d'intérêts, il s'agît de M. Alesmonières (lettre du 28 mars 1888), M. Jeancard (ancien directeur de la Compagnie des Dombes et du Sud-Est), MM. Aubert, Bley et Hibert (entrepreneurs de travaux publics), et M. André (qui réclame l'abandon de la crémaillère).

Les trois autres candidats proposent le système de la subvention en capital, il sagît de MM. Joly, Beldant, Baert et Barillier, de la Compagnie des Chemins de Fer à Voie Etroite du Midi (anciennement Compagnie des Chemins de Fer à Voie Etroite « Bayonne-Biarritz », créée en 1887, appartenant au groupe Empain), et de la Compagnie Générale des Chemins de Fer Vicinaux (créée le 18 mai 1888, dirigée par M. Roguet à cette époque).

M. Alesmonières est finalement désigné comme concessionnaire de la ligne de Lons-le-Saunier à Clairvaux, avec embranchement sur Orgelet. Le projet prévoit l'utilisation de la crémaillère pour franchir les monts de Revigny. Le dossier est transmis au ministère des travaux publics pour avis le 24 juin. Après réception de son accord, la demande de déclaration d'utilité publique de la ligne est envoyée le 12 mars 1890, mais celle-ci est refusée, le ministère réclamant certaines modifications, notamment la diminution de la durée de la concession.

Au même moment, le Conseil Général adopte le principe de la liaison de Clairvaux à Moirans le 17 avril 1890, et ajourne le 22 août sa décision concernant le choix entre Jeurre et Saint-Claude. Finalement, à la fin de l'année 1890, il est décidé d'accorder la priorité à la ligne desservant Saint-Claude.

Le choix d'une ligne allant sur Saint-Claude pose deux problèmes épineux : d'une part le franchissement de la dénivellation existant entre Pratz et Lizon, et d'autre part le choix du point d'arrivée dans la ville de Saint-Claude. Si le premier point est solutionné rapidement au prix d'une ligne tortueuse, le second perdure jusqu'en 1892.

En effet, la ville de Saint-Claude est établie de part et d'autre de deux vallons encaissés (creusés par la Bienne et le Tacon), et les rares ponts existants ne permettent pas d'envisager le passage d'une voie ferrée , même métrique. Atteindre le centre-ville étant trop coûteux, le Conseil Général pense faire aboutir la ligne dans les emprises de la compagnie du P.L.M., cette solution se révélant avantageuse pour les finances départementales. Demande est faite à la compagnie du P.L.M. le 30 juin 1890 d'emprunter ses rails de Lizon à Saint-Claude.

Cette compagnie, peu désireuse de voir la concurrence s'installer, refuse le 27 juillet 1890. Le Conseil Général reviendra à la charge le 11 juin 1892, cette fois-ci pour les sections de Lons-le-Saunier à Publy (ligne de Lons-le-Saunier à Champagnole) et de Lizon à Saint-Claude (ligne d'Oyonnax à Saint-Claude), demande une nouvelle fois rejetée par la compagnie du P.L.M. le 26 août 1892.

Le 10 avril 1891, après accord entre le Conseil Général et M. Alesmonières concernant les observations du Ministère, un nouveau projet de traité de rétrocession datant du 7 avril est adopté. À la demande des Ponts et Chaussées, le poids des rails a été augmenté de 17 à 20 kg/m. Le 13 juin le Ministère répond favorablement, mais demande que le cautionnement soit porté de 900 à 1.000 francs/km ; après l'accord de M. Alesmonières, la réponse positive du département part le 26 juin.

M. Alesmonières, désirant certainement autant que possible éviter la concurrence, demande le 29 novembre 1891 l'obtention de la concession de la ligne projetée de Clairvaux à Saint-Claude, celle-ci constituant le prolongement naturel de la ligne partant de Lons-le-Saunier. Un premier projet de traité de rétrocession est établi le 12 décembre suivant.

Ces deux premiers projets comportent des installations fixes plutôt sommaires, des bâtiments voyageurs et marchandises étant seulement prévus dans seulement cinq des dix-huit gares. Le remisage des machines est prévu à Lons-le-Saunier, Revigny, Clairvaux, Moirans et Saint-Claude, avec prises d'eau à Lons-le-Saunier, Clairvaux, Orgelet, Moirans, Pratz et Saint-Claude. Au total le matériel roulant comporterait neuf locomotives à adhérence simple, deux à crémaillère, seize voitures à voyageurs, sept fourgons, seize wagons couverts et vingt wagons découverts. Si le parc de traction est important, celui du matériel remorqué est plutôt faible.

copyright Elie Mandrillon 2005