La ligne de Salins à Andelot

La construction de la ligne

Les travaux d'infrastructure sont adjugés en 1913 et 1914, mais en partie seulement (1er lot le 16 octobre 1913 MM. Doeren-Bécher, 3ème lot le 7 mai 1914 M. Castoldi Fernand, 4ème lot le 15 janvier 1914 MM. Zuna et Plazanet, ouvrages en ciment armé Salins le 7 mai 1914 MM. Mercier et Limousin), et sont peine entamés lorsque survient la déclaration de guerre.

Le département ayant décidé d'achever les lignes non terminées, un décret du 15 novembre 1919 prolonge les délais d'expropriation au 31 décembre 1922. Puis les travaux d'infrastructure sont nouveau adjugés le 22 juillet 1920 M. Brot, qui emporte les cinq lots, la construction du viaduc en ciment armé du Martinet près de Salins étant confiée M. Jules Masson, et les petits ouvrages en ciment armé MM. Tonetti & Cie.

La construction des bâtiments, adjugée le 22 juillet 1922 M. Lucien Brot, est achevée au 30 octobre 1924, mais divers travaux de parachèvement ont lieu durant l'année 1925. Ceux-ci sont construits en pierre apparente selon le modèle adopté par le département en 1913 lors de l'adoption des lignes nouvelles des C.F.V.

Les travaux sont passablement retardés par le mauvais temps, les mouvements de terrains qui en découlent, et les nombreuses modifications de tracé qui interviennent. Le décompte final des travaux d'infrastructure est signé le 20 août 1924 par l'entrepreneur, mais un long procès avec le département du Jura va retarder les paiements.

La question du tracé entre Salins-Champtave et la gare du P.L.M. a été particulièrement problématique : si avant-guerre le tracé empruntant la route nationale ne posait pas de problèmes, il n'en va pas de même durant les années 1920, avec l'essor de l'automobile. La ville de Salins propose même en 1924 une variante empruntant les bords de la Furieuse. Finalement, devant les coûts exorbitants d'une ligne en site propre, la municipalité de Salins accepte le 23 mai 1925 l'emprunt de la route nationale par la voie ferrée, suite l'avis défavorable de la commission d'enquête concernant le tracé en déviation le 27 mai 1924.

Avec la modification des conditions économiques, la convention d'origine doit être modifiée, et un premier décret du 18 août 1923 entérine l'avenant du 29 juin 1923, passée entre le département du Jura et la compagnie exploitante. C'est le département qui prend sa charge la fourniture des matériels fixes et roulant ; le nombre d'allers-retours journaliers est réduit deux ; l'éventuel déficit est la charge du département, et l'exploitant ne perçoit qu'un simple salaire, ainsi qu'une prime l'économie.

Parallèlement, le département du Jura décide le 22 août 1922 d'employer des automotrices afin d'assurer le transport des voyageurs de manière plus rapide, et surtout plus économique. Des pourparlers sont alors engagés avec M. Laborie (président de la Compagnie A.L.), qui propose d'employer trois automotrices gaz pauvre de sa conception (des essais sont en cours sur le réseau du Cormeilles-Glos-Montfort lui appartenant). Les discussions semblent être prometteuses, car un projet d'avenant la convention voit le jour en 1924, et prévoit le remplacement de la locomotive, des deux voitures bogies et du fourgon par trois automotrices gaz pauvre.

Mais les essais des moteurs gaz pauvre ne convainquent pas les ingénieurs des Ponts et Chaussées, et le département se tourne vers la maison Berliet en 1924. Le marché du 22 avril 1925 prévoit la fourniture de trois automotrices (210.000 francs pièce). Mais devant le prix élevé de ce matériel, l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées du Jura décide dès le 18 avril que seuls deux exemplaires seront affectés la ligne, le troisième étant envoyé sur les C.F.V.

Un décret de septembre 1926 valide le nouvel avenant du 11 mars 1926, qui prévoit la fourniture de deux automotrices la place de la locomotive, des deux voitures bogies et du fourgon ; l'exhaussement du bâtiment d'exploitation Andelot, afin de loger le chef d'exploitation de la ligne, remplace la construction d'une remise machine avec dortoir Levier (délibération du Conseil Général du 20 août 1924, suite une proposition de M. Laborie).

À cette époque, on pense pouvoir ouvrir la ligne le 1er juillet 1926, en empruntant provisoirement le matériel vapeur de l'A.L., mais la pose de la voie (rails P.L.M.-A de 32 kg/m d'occasion), qui débute en 1926, après un ordre de commencement d'exécution datant du 21 septembre 1925, traîne en longueur, notamment cause des pluies continuelles qui s'abattent sur la région, et en avril 1926, seule la traversée de la ville de Salins est achevée.

L'adjudicataire de ces travaux (adjudication du 17 août 1925, approuvée le 27 août) est la Société Parisienne pour l'Industrie des Chemins de Fer et des Tramways Électriques. Au final, la pose s'achève la fin de l'année 1927, avec des rails neufs de 26 kg/m, provenant du surplus du réseau de Champagnole, la compagnie du P.L.M. n'étant pas cette époque en mesure de fournir l'intégralité de la commande du département du Jura.

Les élus ne sont l'époque pas énormément dérangés par ces retards, car les automotrices ne sont toujours pas livrées en août 1927. « Si une avarie n'était pas survenue une locomotive de la compagnie Andelot-Levier, et si les automotrices Berliet étaient pied d'œuvre et reçues, ainsi qu'elles auraient dû l'être il y a déj un an, les travaux de pose de la voie auraient causé un retard l'ouverture l'exploitation ».Et lors des essais désastreux du premier exemplaire livré aux C.F.V. (T4), en octobre 1927, un élu déclare « nous ne sommes pas pressés d'ouvrir la ligne de Salins Andelot l'exploitation ». Cette petite phrase résume bien l'idée que l'on se fait déj cette époque des futurs résultats d'exploitation.

Mais si les élus du département sont pessimistes concernant les conditions d'exploitation de la ligne, ceux de la municipalités de Salins sont impatients : le 3 mai 1927, ils demandent la livraison anticipée de la première automotrice afin d'assurer un service urbain durant l'été, la manière d'un tramway.

Le devenir de cette demande illustre parfaitement l'absence quasi-totale de communication entre Berliet, M. Laborie, et l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées du Jura. Le 6 mai suivant la délibération, le département demande Berliet de livrer en premier une automotrice pour Salins-Andelot. Le 30, la maison Berliet refuse sans aucune explication ; le 20, M. Laborie ayant indiqué ne pas vouloir s'occuper de ce service urbain, le département ne se préoccupe plus de cette affaire. Et le 31, M. Laborie se déclare finalement prêt étudier la question ; il est alors trop tard pour que Berliet puisse effectuer les modifications nécessaires sur l'automotrice prévue l'origine pour le réseau de Lons-le-Saunier...

copyright Elie Mandrillon 2005-2006