La ligne de Salins à Andelot

Exploitationn de la ligne de 1928 1934

La ligne ouvre finalement le 1er janvier 1928 (le transit avec le P.L.M. ne débutera que le 16), très certainement en traction vapeur, aucune des automotrices Berliet n'ayant pu être livrée à temps. La première (SA3), est livrée le 18 janvier, et suite à sa réception provisoire le 11 février, elle entre immédiatement en service. Le deuxième exemplaire (SA2), livré le 11 février, est reçu provisoirement le 6 mars, et entre lui aussi immédiatement en service.

Au début de cette année 1928, il est envisagé d'assurer des trains direct de Salins à Levier au moyen des automotrices Berliet ; M. Colin, chef de l'exploitation de la ligne, effectue cette demande le 13 février, et le 17 l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées du Jura répond par l'affirmative, à condition que les automotrices soient munies d'un coffre à bagages. Cette idée n'a apparemment pas eu le temps d'être mise en pratique avant les premiers déboires des automotrices RBMC, puisqu'à la mi-mars ce service n'est toujours pas entré en application.

Petit détail amusant : la remise à machine de Salins, prévue à l'origine pour accueillir une locomotive à vapeur type A.L., ou bien une petite automotrice à essence, a été réalisée telle que prévue à l'origine, sans tenir compte des dimensions des automotrices RBMC, dont la longueur hors tampons excède de loin celle des locomotives de l'A.L. La réception provisoire des automotrices Berliet ayant finalement été prononcée, la remise doit être allongée au début de l'année 1928 (travaux achevés au 7 juillet).

La fiabilité plus qu'incertaine de ces engins – qui ne roulent quasiment pas en mars, avril et mai 1928 – font que la compagnie exploitante demande dès le 22 mai au département du Jura de lui fournir une locomotive à vapeur et une voiture à bogies afin de pouvoir assurer une exploitation « plus économique, plus régulière et plus intensive ».

Car en plus de leurs problèmes mécaniques, les deux automotrices sont aussi extrêmement gourmandes en carburant. La consommation d'essence, qui était de 1,01 l/km lors des essais de réception, s'élève à 1,14 l/km en mai, pour monter à 1,25 l/km en novembre. Cette situation, peu propice à une exploitation économique, entraîne l'utilisation de l'automotrice De Dion-Bouton AM35 de l'A.L. en lieu et place des Berliet la plupart du temps. L'accumulation de pannes et avaries aboutit au garage des deux automotrices Berliet le 6 juillet 1929.

Les mauvais résultats d'exploitation de la ligne amènent le département du Jura à décider le 23 septembre 1930 du rachat de la concession et de la fermeture de la ligne, par 20 voix pour, 1 contre et 9 abstentions.

La situation de la ligne est résumée par ces propos du 9 janvier 1931 : « actuellement, ce département [Jura] est aux prises à de graves difficultés en ce qui concerne la ligne Salins-Andelot, qui fait peu de recettes et dépense beaucoup, à cause de la différence de niveau considérable entre les deux terminus, et de l'exploitation très coûteuse par les automotrices Berliet, qui ont été finalement rejetées et remplacées par des locomotives ».

Mais une nouvelle convention d'exploitation, proposée par le département du Doubs, ramenant le déficit à la charge du département du Jura en deçà de la valeur de la subvention d'Etat, ainsi que l'éventualité de la perte de ladite subvention, font ajourner cette décision le 9 février 1931. La nouvelle convention entre les départements du Doubs et du Jura prévoit l'achat par le Jura d'une automotrice De Dion-Bouton pour assurer le transport des voyageurs, sur les conseils de M. Laborie, le Doubs assurant « la traction à vapeur pour les rares trains à faire à la vapeur sur Andelot-Salins, soit pour traîner les marchandises, soit pendant les périodes inévitables d'entretien de l'automotrice ».

Elle est livrée en 1932 et prend le numéro SA6 (le financement par le département du Jura explique cette numérotation : Berliet RFM n°1, Berliet RBMC SA2, SA3, T4, T5, De Dion JM3 SA6). Elle est employée entre Salins et Pontarlier.

Le décret du 30 mai 1933 valide la nouvelle convention du 1er juin 1932, qui officialise la fourniture d'une automotrice avec remorque « présentant les mêmes caractéristiques » que celle de la ligne de Salins à Andelot.

Pour autant, la situation financière de la ligne ne s'améliore pas, elle a même tendance au contraire à se dégrader. Qui plus est, les mouvements de terrain observés lors de la construction reprennent dès 1929, et continuent jusqu'en 1934. Au début de cette même année, des fissures importantes sont constatées sur le viaduc du Martinet.

Dès lors, la ligne est condamnée par l'ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, le 27 janvier 1934, qui considère que les travaux à entreprendre dans l'immédiat et le proche futur sont financièrement trop élevés en regard du peu de bénéfices à attendre de l'exploitation : « je persiste à penser que l'on ne pourra jamais arrêter ces déformations et que de nouvelles cassures sont à redouter dans un avenir plus ou moins lointain. Dans ces conditions l'arrêt de l'exploitation sur la ligne de Salins à Andelot me paraît devoir être la seule mesure qui permette d'éviter d'engager de nouvelles dépenses. »

Le département n'a cette fois-ci plus à craindre la perte de la subvention d'Etat accordée par décret du 5 mai 1926, l'article 108 de la loi des finances du 28 février 1934 lui permettant de remplacer la voie ferrée par un service automobile équivalent. Qui plus est, la subvention estimée nécessaire à l'exploitation automobile ne s'élève qu'au tiers de celle accordée à l'exploitation par voie ferrée.

Par ailleurs, le soucis posé par les avenants d'après-guerre, qui avaient levé l'obligation du concessionnaire d'exploiter la ligne à ses risques et périls, à cause de l'inflation, n'a plus lieu d'exister avec la stabilisation du cours du franc, permettant de revenir à la convention de 1912.

Sachant pertinemment que l'exploitant ne peut accepter de telles conditions, le département lui propose de continuer à assurer une exploitation non subventionnée au moyen d'un service automobile. Le 11 août 1934, M. Laborie refuse cette proposition, mais propose néanmoins de faire un essai de service autocars durant deux ans aux frais et risques du département.

Les deux parties ne parvenant pas à s'entendre, le département s'adresse finalement à la Société des Messageries et Transports Automobiles des Monts-Jura, et le préfet décide de suspendre l'exploitation par voie ferrée à partir du 1er janvier 1935. La fermeture de la ligne passe presque inaperçue dans la presse locale, le décès le même jour de M. Maurice Bouvet, important industriel local, éclipsant le reste de l'actualité.

copyright Elie Mandrillon 2005-2006