Le réseau des CFV du Jura

Les locomotives des Ateliers de construction du Nord de la France (ANF)

Afin de pallier les insuffisances du matériel de traction, il fut décidé en 1903 de pourvoir la ligne de Foncine-le-Haut de quatre locomotives, et de les livrer de manière anticipée. Commandées cette fois-ci aux Ateliers de construction du Nord de la France (filiale française de La Métallurgique, basée à Tubize en Belgique), leur projet fut approuvé par le Préfet le 29 février 1904. Elles furent comptabilisées à 29 590,95 francs pièce par les CFV, soit 15 % de moins que la première série !

Par rapport à la première série, l'empattement avait été porté à deux mètres, afin d'atténuer les mouvements de lacet. Deux véritables cabines étaient prévues, même si le service des Ponts-et-Chaussées considéra que l'habillement de la cabine avant n'était pas suffisant. Elles étaient munies de couvre-mouvements, qui furent également déposés à la fin de l'année 1907.

Cliché constructeur, pris aux ateliers de Tubize en 1904. La plaque constructeur des ANF a été masquée. Cette série de locomotives avait en effet été construite en Belgique, puis transférée en France dans les usines de Blanc-Misseron, lieu officiel de leur assemblage, afin d'éviter les taxes d'importation (coll. Musée de la Porte).

Dès le 7 septembre 1904, les CFV sollicitèrent l'autorisation de mettre en service les deux premiers exemplaires, numérotés 320 et 321. Les essais de freinage du 13 septembre furent jugés satisfaisants, et l'arrêté préfectoral fut donc délivré en conséquence le 21 du même mois.

Un peu moins de deux ans plus tard, la compagnie renouvelait sa demande le 7 mai 1906, pour les deux dernières machines, numéros 322 et 323. L'avis favorable des Ponts-et-Chaussées tomba le 12 juin, et l'arrêté préfectoral fut signé le 20. La raison pour laquelle les CFV choisirent cette numérotation, qui reprenait ceux du constructeur, n'est pas connue.

Du fait des inconvénients constatés avec le système anti-escarbilles de la série 11 à 17, un nouveau dispositif fut appliqué : le sommet de la cheminée était muni de deux capuchons amovibles. Le premier, en tôle pleine, permettait d'obturer complètement la cheminée pour laisser tomber le feu. Le deuxième, constitué d'un treillis à mailles, servait normalement à arrêter les escarbilles. Ce système conduisit lui aussi à une importante diminution du tirage, et il ne fut de ce fait employé que dans les traversées des villages.

Au cours de l'été 1907, la machine n° 320 est prête à assurer un train sur Arinthod. Les couvre-mouvements sont largement relevés dans leur partie supérieure, afin d'éviter un échauffement trop important du mécanisme. Ils seront déposés dès l'hiver suivant (coll. Bernard).

Dès leur livraison, ces machines furent intensément utilisées, afin de permettre le passage en grande révision des SFB. Cette pratique eut pour conséquence de mettre à jour quelques défauts de conception, surtout à partir de 1907 et du retour de la surcharge des trains, à la suite de l'ouverture à l'exploitation de la ligne de Foncine.

Ainsi, dès la fin de l'année des ruptures totales ou partielles des rayons des roues furent constatées. Ce problème persista jusqu'à l'été 1910, car il était attribué à la surcharge des trains. À partir de cette époque, les ANF fournirent aux CFV des roues avec rayons renforcés, ce qui permit ainsi de faire disparaître ces incidents.

Par ailleurs, au début de l'année 1908, de nombreuses ruptures des tubes à fumée firent constater une faiblesse de ceux-ci au niveau de leur fixation sur les plaques tubulaires. Comme ils étaient plus longs que sur la série 11 à 17, ils étaient plus sensibles aux trépidations de la locomotive, ce qui conduisait au cisaillement du tube, qui se rompait ensuite au ras de la plaque tubulaire.

Ce type d'incident, peu fréquent au début, devint régulier à partir de 1912, et il fut alors envisagé de remplacer les tubes de ces machines par le modèle de la série 11 à 17. Mais le service des Ponts et Chaussées trouva une solution beaucoup plus économique : par alésage des orifices des plaques du foyer et de la boîte à fumée, il devint possible de renforcer les points d'attache, ce qui limita grandement les incidents.

 

Cliché de la machine n° 322, qui marque un arrêt en gare de Saint-Lupicin, lors d'un train de dépose des voies, au cours de l'automne 1948.

Les grandes glaces de protection du mécanicien ont été remplacées par un assemblage de six petits carreaux, probablement en raison des pénuries liées à la guerre.

Comme sur les machines SFB, on peut noter la présence de catadioptres et du fanal orange en toiture, installés vers 1939 (coll. Brun).

Pour les mêmes raisons que la première série, l'entretien se réduisit petit à petit jusqu'à la deuxième guerre mondiale. La numéro 323 fut probablement retirée du service actif vers 1932, à la suite d'un important déraillement dans les monts de Revigny, qui l'avait endommagée.

La n° 321 roula jusqu'au début de l'année 1948, et les 322 et 323 jusqu'à la fermeture du dernier tronçon du réseau.

Vers 1949, la machine n° 320 est remisée le long du quai à bestiaux de la gare SNCF de Lons-le-Saunier. Comme sur la série 11 à 17, une cloche avait été installée en toiture (cliché Pierre Laurent).

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