Le réseau des C.F.V. du Jura

Les locomotives de la Société Métallurgique

Au début de l'année 1907, la compagnie, qui voit se profiler à l'horizon la mise en service de la ligne de Foncine-le-Haut, sait pertinemment que celle-ci va entraîner une nouvelle pénurie de matériel moteur, puisque le service à trois allers-retours journaliers nécessite l'emploi de deux machines au minimum.

Aussi cherche-t-elle à se procurer des locomotives bon marché, puisque devant les financer intégralement, le département n'étant pas désireux d'engager de nouvelles dépenses. L'occasion est trouvée en Belgique avec des locomotives à vapeur appartenant à l'ancienne compagnie du Bruxelles-Ixelles-Boendal, dont le réseau qui a été électrifié à partir de 1898 n'a plus l'emploi.

Ce réseau, qui est parent avec le groupe Empain cède les deux locomotives n°12 et 14 datant de 1889 pour la modique somme de 25.000 francs. La transaction est payée le 28 octobre 1907, mais malheureusement il ne subsiste aucun document relatant de quelle manière la compagnie obtint l'autorisation d'importer et de mettre ces locomotives provenant d'un pays étranger en service en France.

Ces deux machines était d'apparence très proche de celle de la série 11 à 17, sans pour autant posséder les mêmes caractéristiques.

Après une révision des plus sommaires (certainement un simple passage à l'épreuve des mines), les deux locomotives entrent en service en 1908 sous les numéros 101 et 102, et se révèlent vite être des épaves roulantes. Divers rapports des ingénieurs demandent leur retrait des trains MV, dont elles ralentissent la marche la plupart du temps.

Ainsi peut-on lire en 1909 : « Le 2 juin, nous trouvant dans le train 7 pour nous rendre à Saint-Lupicin, nous avons été témoins des ennuis que cette machine [n°101] donne en cours de route.

« Les deux bielles chauffent constamment, le mécanicien Blanc dut s'arrêter pendant environ huit minutes, dans chaque station, pour graisser les organes surchauffés ; puis pour ne pas prendre trop de retard, il la laissait aller dans les pentes à des vitesses excessives, très dangereuses pour les voyageurs et nuisible à la voie, ainsi qu'au matériel.

« Dans la rampe de Cuénans, bien que le train fut très léger, car il ne comprenait que le fourgon et deux voitures à voyageurs presque vides, le convoi faillit tomber en détresse, sa vitesse étant descendue, à un moment donné, à deux kilomètres à l'heure. »

À la suite de ces déboires, l'ingénieur demande la mise en réserve du service MV des deux machines, et il semble être écouté, puisque la n°101 ne dépassera jamais les 20.000 km/an, contre plus du double pour les machines en service régulier, et la n°102 est arrêtée de 1911 à 1914, très certainement pour être entièrement reconstruite, au vu de son kilométrage annuel par la suite.

La locomotive 101 semble être définitivement retirée du service à la suite d'un accident en 1920, mais elle reste néanmoins dans les inventaires jusqu'en 1948, peut-être servait-elle occasionnellement, puisque les autorités allemandes n'ont apparemment pas demandé sa récupération au titre des réquisitions de matériaux ferreux durant la deuxième guerre mondiale.

La locomotive 102, bien que moins utilisée que ses consoeurs, reste néanmoins dans le service actif jusqu'en 1934, année où elle semble être détériorée lors d'une collision avec un autocar. Elle assurera par la suite un service des plus réduits, mais restera elle aussi dans les inventaires jusqu'en 1948.

copyright Elie Mandrillon 2005