Pour la fourniture des cinq locomotives prévues à la convention, les CFV firent appel en 1897 à la Société Anonyme Franco-Belge pour la construction de machines & de matériels de chemins de fer.
La raison exacte de ce choix n'est pas connue, à une époque ou la majorité des locomotives de type tramway sortaient des usines de la société des Ateliers de construction du Nord de la France. Néanmoins, il semble que des accointances financières avec le groupe Empain aient guidé ce choix. Du type 030T bicabine (machine-tender à trois essieux accouplés), elles étaient comptabilisées pour 35 200 francs pièce dans les bilans annuels.
Leur projet d'exécution fut présenté le 19 juillet 1897, et après avis favorable des Ponts-et-Chaussées le 11 octobre, l'approbation préfectorale suivit le 25 octobre. Un an plus tard, le 28 septembre 1898, les CFV demandaient l'autorisation de les mettre en service.
Locomotive SFB dans son état d'origine au dépôt de Lons-le-Saunier en 1898. Le cliché a été pris au moment des premiers essais en ligne. On voit bien la cheminée tronconique conçue pour limiter les dégagements d'escarbilles, ainsi que l'absence de protection pour le mécanicien sur la face avant (coll. Amis du Vieux Saint-Claude).
Les essais de freinage montrèrent que la timonerie du frein Westinghouse n'avait pas été correctement réglée. Elles entrèrent néanmoins en service avec les numéros 11 à 15 dès l'ouverture à l'exploitation du premier tronçon du réseau le 24 octobre. L'arrêté préfectoral officiel ne fut signé que le 9 novembre.
Le terme « bicabine » de l'époque ne reflète pas la réalité du confort du mécanicien et du chauffeur. En effet, ces machines étaient simplement munies d'une toiture qui abritait les deux postes de conduite. L'un, situé à l'arrière, était occupé en temps normal par le chauffeur, et servait au mécanicien pour les manœuvres, ou pour de courts trajets effectués en marche arrière. L'autre, situé à l'avant, était réservé au mécanicien, qui disposait ainsi d'une meilleure visibilité.
Ce dernier n'était protégé des intempéries que par une simple balustrade en tôle qui lui arrivait à hauteur du ventre. Les ateliers du réseau réalisèrent très rapidement des châssis vitrés coulissants, afin d'isoler un peu mieux le mécanicien de la neige et de la pluie, dès l'hiver 1898-1899.
Vue en élévation à Saint-Lupicin du premier système de protection installé. Il était plutôt léger (coll. Mandrillon).
Afin de protéger le mécanisme des cailloux et de la poussière présents sur les routes non goudronnées de l'époque, les locomotives étaient équipées de couvre-mouvements. Ce dispositif améliorait également leur esthétique.
L'avant des locomotives fut par ailleurs légèrement modifié, afin de pouvoir y fixer les étraves des chasses-neiges, construits de manière artisanale dans les ateliers de Lons-le-Saunier, et dont le perfectionnement s'étala jusque vers 1907.
Autre vue du premier modéle de protection, sur la machine n° 14, à Lavans PLM. La différence de gabarit entre les réseaux est bien visible (cliché Paul Regad, coll. Amis du Vieux Saint-Claude).
Dès le premier été d'exploitation, un échauffement du mécanisme dut être constaté, puisque la quasi-totalité des clichés montrent les couvre-mouvements ouverts en permanence dans leur partie supérieure. Ceci afin de garantir une meilleure ventilation des bielles et articulations.
Lors de sa livraison, cette série de machines était munie d'une grille de protection dans la boîte à fumée, afin de retenir les escarbilles. Ce dispositif se révéla à l'usage une gêne pour le bon fonctionnement du tirage lors du franchissement des rampes, et fut assez vite abandonné.
Avec l'augmentation du trafic marchandises, qui nécessitait la mise en marche de trains spéciaux en plus des trois trains MV journaliers, la compagnie se retrouva avec une pénurie d'engins de traction. L'ouverture du prolongement sur Arinthod n'était alors pas envisagée avant 1901, et il fut décidé de livrer la locomotive prévue à la convention de manière anticipée.
Comme celle-ci paraissait insuffisante pour éponger le surplus de trafic, on acta en 1899 le remplacement des voitures voyageurs prévues par une machine supplémentaire. Finalement, les CFV financèrent l'achat de la deuxième.
Toujours à Lavans PLM, vue de l'arriére de la machine n° 12. On peut remarquer l'échelle, qui doit servir à monter en toiture en cas de souci avec la cheminée (coll. Mandrillon).
Le 12 février 1900, les CFV demandèrent l'autorisation de mise en service des deux nouvelles locomotives, numérotées 16 et 17. En mai 1900, les Ponts-et-Chaussées indiquaient qu'elles avaient déjà circulé à titre d'essai pour des trains de marchandises et de voyageurs, et le Préfet signa le 26 mai l'arrêté officiel.
Elles étaient en tous points identiques aux précédentes, et bénéficièrent des mêmes modifications : pose de fixations pour les chasses-neiges et de châssis vitrés coulissants à l'avant.
Ces machines ne furent pas exemptes de quelques défauts de conception. Dès la fin de l'année 1900, au moment du choix du type de locomotives pour la ligne de Dole à Pesmes, les ingénieurs des Ponts-et-Chaussées faisaient ainsi remarquer que l'empattement devait être porté de 1,80 à 2 mètres, afin d'éviter les mouvements de lacet constatés. Cette demande faisait suite à la constatation au début de l'année 1899 d'une usure précoce de la voie, attribuée à un trop faible empattement.
Une certaine fragilité existait également au niveau des tiges de suspension et des ressorts, puisque sur la voie encore imparfaitement stabilisée de nombreuses ruptures se produisirent. Ce problème perdura jusque vers 1903 ou 1904, malgré les soins apportés à l'amélioration de la voie dès 1899.
À Orgelet en 1919, cette vue frontale permet de détailler un autre modèle de protection installé sur la machine n° 11. Il était identique à celui des machines achetées d'occasion en Belgique en 1907, avec des vitres de plus grandes dimensions. La cheminée tronconique a disparu, et une cloche permet de ne plus utiliser le sifflet lors des passages en zone urbaine (cliché Georges Tournier, coll. Mandrillon).
Après l'ouverture du tronçon d'Arinthod en 1901, la pénurie d'engins de traction se fit à nouveau sentir, et l'augmentation continuelle du trafic obligea la compagnie à surcharger ses trains de manière exagérée, au point de mettre à jour une faiblesse au niveau du calage des essieux. À partir de 1902 de nombreuses ruptures d'essieux eurent ainsi lieu sur toutes la série, ce qui contraignit les CFV à employer un modèle renforcé à partir de 1903 ; cette amélioration s'acheva au printemps 1905.
Un événement inattendu entraîna une modification imprévue de l'esthétique des locomotives. Au cours de l'hiver 1906–1907, on enregistra d'abondantes chutes de neige, les plus importantes depuis l'ouverture du réseau. À cette occasion, les ingénieurs présents lors du déblaiement des voies constatèrent une nette tendance au déraillement des machines lors des passages sur des sections où des congères entouraient les rails.
Cet inconvénient fut attribué au châssis des couvre-mouvements, qui soulevait la machine et la faisait sortir des rails lors du passage sur des congères. Il fut donc décidé de procéder à la dépose des couvre-mouvements pour la durée de l'hiver. Cette opération n'était pas anodine, et comme elle permettait d'améliorer l'accès au mouvement, elle eut bien lieu à la fin de l'année 1907, mais de manière définitive.
En 1939, au dépôt de Lons-Bains, l'équipe de conduite de la machine n° 14, qui comprend M. Doyonnard, pose pour le photographe. On voit bien les évolutions survenues au cours du temps : disparition des couvre-mouvements, et nouveau modèle de protection pour le mécanicien. On peut également observer les ajouts imposés par un décret de 1938 : deux catadioptres de part et d'autre du tampon, ainsi qu'un feu orange juste en-dessous de la toiture, que les CFV ont choisi de rendre occultable par un clapet métallique en journée (cliché Pierre Laurent).
En parallèle, la surcharge des trains continuait d'augmenter, malgré la livraison de nouvelles machines entre 1904 et 1908. À partir de l'année 1910, des ruptures d'essieux furent à nouveau constatées. Dès le mois de juin, la compagnie essaya un mocèle en acier au chrome de nickel, nouvel alliage réputé plus résistant. La modification fut concluante, mais les CFV ne remplacèrent pas pour autant immédiatement tous les anciens essieux, puisqu'en 1913 certains subsistaient encore sur certaines machines (dont la n° 11).
La première guerre mondiale usa de manière prématurée les locomotives. À la fin du conflit, elles étaient quasiment toutes hors d'usage, et atteignaient 600 000 km de service actif. Certaines furent entièrement rénovées au cours des années 1920 (n° 12, 15 et 17 notamment), et restèrent en service jusqu'à la mise en route des autocars à partir de 1931. Le kilométrage cumulé de ces machines peut être estimé à 900 000 km en 1933.
Dès lors, la réduction du trafic leur permit d'assurer un service convenable jusqu'à la fin des années 1930. L'entretien était réduit, et le 17 décembre 1936 le foyer de la locomotive n° 12 fut gravement endommagé. Cette machine fut semble-t-il la première à être retirée du service, et resta en entretien différé.
Arrivée d'un train MV en gare de Lons-le-Saunier SNCF, probablement au cours de l'été 1946. C'est l'occasion de revoir la machine n° 14, qui a bénéficié d'une révision depuis 1939. Les châssis vitrés ont été déposés pour la belle saison, et la lanterne a retrouvé une position centrale (coll. Mandrillon).
La deuxième guerre mondiale acheva ces locomotives hors d'âge, et la réduction rapide des services ferroviaires permit aux CFV de les garer progressivement. Les premières furent les n° 13 et 17 vers 1944, suivies par la 11 vers 1946. La n° 14 cessa de rouler à la fin de l'année 1947, après avoir été louée d'octobre à décembre 1946 au département du Pas-de-Calais, pour renforcer la ligne de Lens à Frévent, exploitée par la Compagnie des Chemins de Fer Économiques du Nord (CEN). Les n° 15 et 16 roulèrent jusqu'à la fermeture en 1948. La numéro 15 fut celle qui assura le dernier train marchandises sur Clairvaux.
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