Le réseau des C.F.V. du Jura

Les automotrices électriques

Le devis-programme pour la fourniture d'automotrices électriques au département du Jura est lancé le 9 juillet 1923, suivant un cahier des charges très strict ; divers candidat se présentent alors :

Les trois dernières entreprises citées travaillent en collaboration avec la maison Horme & Buire pour la construction des caisses.

L'examen des propositions le 12 décembre 1923 fait ressortir la maison Lyon & Dauphiné comme mieux-disante, mais la décision finale est reportée à 1924. Le marché est finalement signé avec cette firme le 5 juin 1924.

Il s'ensuit alors une longue correspondance entre l'ingénieur en chef du département du Jura et le constructeur afin de bien définir les choix techniques : prise de courant par pantographe au lieu d'archets Vedovelli, installation du frein à air automatique et semi-direct en lieu et place du frein à air automatique simple, choix des couleurs de la caisse (bas vert avec filets jaunes, haut crème avec filets verts), réduction autant que possible des coûts de fabrication, ...

Ces discussions durent jusqu'en 1925 et la construction des automotrices n'est réellement lancée que durant cette même année. L'essai des moteurs en usine a lieu le 28 février 1926, mais la fabrication est ralentie par la mésentente qui s'installe entre Horme & Buire et Lyon & Dauphiné, et le 6 août 1926 le département du Jura réclame la livraison des deux premières automotrices afin de procéder aux essais de la ligne aérienne.

Automotrice vue en état d'origine (coll. J. Finsterwald).

La première automotrice est enfin expédiée le 8 septembre 1926, mais les premiers essais de marche à vide ne peuvent avoir lieu que le 4 mars 1927 pour les deux premières automotrices (n°31 et 32), suite aux problèmes de mise sous tension de la ligne aérienne. Malgré divers défauts, la réception provisoire est prononcée, ce qui permet l'ouverture de la ligne de Champagnole à Foncine-le-Bas le 11 mars.

La mise au point des deux autres exemplaires est plus laborieuse que prévue, ce qui empêche l'ouverture de la première section de la ligne de Boujailles, où de nombreux problèmes de claquage se font jour. Enfin le 29 avril 1927 l'automotrice n°34 est essayé, et malgré la fonte d'un plomb fusible, la réception provisoire est prononcée, ce qui permet l'ouverture de la section de Sirod à Nozeroy le 5 mai. La dernière automotrice (n°33) est essayée le 4 juillet 1927, et sa réception provisoire permet l'ouverture de l'intégralité de la ligne de Boujailles le 1er août.

À cette date les quatre automotrices ont largement rempli les conditions du cahier des charges, à l'exception d'un point : la vitesse commerciale des trains de 40 tonnes est trop faible, alors que celle des trains de 80 tonnes est supérieure au cahier des charges. Ce problème est résolu par une modification du rapport d'engrenages.

Durant les premiers mois d'exploitations, le matériel neuf est soumis aux nombreux claquages de la ligne aérienne, surtout en période d'orage, ce qui aboutit à de nombreux « coups de feu » sur trois des quatre automotrices, et à la nécessité de revoir le frettage des induits des moteurs. Ce problème tend à disparaître en 1928 avec l'installation de parafoudres, puis par le changement des isolateurs en 1930.

La réception définitive est prononcée les 16 mars (31 et 32) et 22 juin 1928 (33 et 34).

Automotrice n°32 vue après sa reconstruction, en 1933 (coll. J. Finsterwald).

La suite de leur carrière se passe sans encombre, à l'exception de l'incendie inexpliqué de l'automotrice n°32 dans la nuit du 31 décembre 1931 au 1er janvier 1932 dans la remise de Foncine-le-Bas. Une fois sa reconstruction achevée, elle est remise en service après l'essai de réception du 30 septembre 1933. Il est mentionné dans les rapports qu'elle a été modifié à cette occasion, et cela concerne apparemment l'aménagement intérieur, extérieur et électrique.

L'aménagement intérieur comporte à l'origine : un compartiment de première classe (6 places assises), un compartiment de deuxième classe (20 places assises), un compartiment postal (équivalent à 4 places assises) et un compartiment pour les bagages avec banc repliable de 3 places (5 m², 3 tonnes).

Du côté technique, ces automotrices sont mues par quatre moteurs, couplés en série par paire, de type autoventilé. Ils développent une puissance de 70 ch à 603 t/min en régime unihoraire, et de 45 ch à 740 t/min en service continu. L'attaque des essieux a lieu par pignon et roue dentée par un rapport de 15/86.

Les résistances de démarrage, le groupe convertisseur et tout le système de freinage sont disposés sous la caisse. Les résistances sont protégées à l'origine par de simples tôles, mais il sera nécessaire au milieu des années 1930 de poser des caissons métalliques pour mieux les protéger, suite à de nombreux court-circuits.

L'alimentation électrique des services auxiliaires (chauffage, éclairage, compresseur d'air, électro-aimants, contacteurs), qui fonctionnent en 125 et 250 Volts, ne peut être réalisée directement avec le courant d'alimentation de 1.500 Volts. La solution choisie a été d'utiliser un convertisseur tournant, dont la mise au point s'est révélée plus longue et délicate que prévue, celui-ci ayant une fâcheuse tendance à ne pas démarrer.

La prise du courant s'effectue au moyen d'un unique pantographe, du même modèle que ceux employés par la Compagnie des Chemins de Fer du Midi. La montée s'effectue par ressorts, et la descente par air comprimé.

Pour le freinage trois solutions sont installées : le frein à main, pour le stationnement prolongé des véhicules, le frein automatique semi-direct Westinghouse et le frein rhéostatique utilisé dans les descentes.

Les automotrices sont livrées avec deux chasse-neige, construits par Horme & Buire (marché du 10 février 1925), expédiés le 31 mars 1927 et numérotés C1 et C2 à leur arrivée ; la réception définitive intervient le 31 décembre 1927. Ceux-ci s'avèreront très utiles durant l'hiver.

Tout ce matériel est ferraillé en 1950 lors de la fermeture du réseau de Champagnole.

Automotrice et remorque vues au dépôt de Champagnole en 1946 (cliché A. Artur).

En annexe : livraisons et caractéristiques techniques

copyright Elie Mandrillon 2005