Le réseau des C.F.V. du Jura

Les voitures voyageurs

Le texte de la déclaration d'utilité publique du 6 août 1895 prévoit au moins 19 voitures de deuxième classe à deux essieux, ainsi que 6 voitures mixtes 1ère classe/fourgon-poste à deux essieux.

Ce matériel, d'allure identique à celui en usage sur les autres réseaux du groupe Empain à cette époque (notamment en Haute-Saône), présente un empattement étroit de deux mètres seulement. Le confort est spartiate en deuxième classe, où il n'y a que deux bancs en bois longitudinaux pour accueillir les fessiers des voyageurs pour un trajet durant 4h30 au minimum entre Lons-le-Saunier et Saint-Claude.

Vue d'une voiture mixte 1ère classe/fourgon à Saint-Claude (coll. M. Gauthier-Clerc).

L'éclairage est assuré la nuit par des lampes à pétrole accrochées au plafond des voitures, interdisant de ce fait toute activité de lecture. À l'origine, aucune des voitures n'est munie de moyen de chauffage, mais dès l'hiver 1898 l'installation du chauffage par thermo-siphon est décidée, mais pas sur toutes les voitures. Ainsi, une dizaine de voitures de deuxième classe ne sont toujours pas munies de moyen de chauffage en 1924, et il y a fort à parier qu'elles n'en seront jamais munies.

Les voitures ne portent pas de lettre de série sur leurs flancs, seul un numéro leur est attribué, avec précision de la classe (I ou II) à l'origine. Les voitures de deuxième classe sont numérotées 30 à 48, et les mixtes 20 à 25.

À l'occasion du prolongement sur Arinthod, le texte de la D.U.P. du 1er avril 1898 prévoit la fourniture de cinq voitures de deuxième classe supplémentaires. Durant un temps il est envisagé de ne pas les fournir, une locomotive supplémentaire les remplaçant, mais au final elles seront tout de même livrées, en raison du fort trafic voyageurs existant à l'époque.

Ces cinq nouvelles voitures, identiques aux précédentes, sont livrées en 1901 et prennent les numéros 49 à 53.

Curieusement, il n'est pas commandé de voiture-salon pour ce réseau, mais dès le mois de septembre 1898 semble-t-il, la voiture de deuxième classe n°30 est transformée en voiture de luxe (« voiture-salon ») en vue de l'inauguration de la ligne de Saint-Claude.

Voiture de deuxième classe à Saint-Claude en 1946 (cliché A. Artur).

Vue de la voiture-salon en tête du train inaugural de la ligne de Foncine en 1907 (coll. D. Bernard).

Elle servira de nouveau pour les inaugurations de lignes jusqu'à la guerre de 1914-1918, mais pas seulement. En effet, elle est utilisée pour transporter les élus départementaux ou nationaux lors de leurs déplacements sur le chemin de fer. Après la première guerre mondiale, en raison de la rigueur budgétaire et de la généralisation de l'automobile chez les personnes aisées, elle n'est plus utilisée, et déclassée avant 1929 en voiture mixte première-deuxième classe.

Pour la ligne de Foncine-le-Haut, le texte de la D.U.P. du 1er décembre 1903 prévoit la fourniture soit de 10 voitures identiques à celles en service, soit de 7 voitures à bogies offrant 44 places. Cette hésitation doit provenir du fait que la Haute-Saône a commencé à mettre en service depuis 1902 des voitures à bogies, améliorant ainsi grandement le confort des voyageurs.

D'ailleurs, dès 1904, les ingénieurs se prononcent en faveur des voitures à bogies, car avec les voitures à deux essieux, et cela même si les équipes de conduite essayent de réduire les à-coups au minimum, il est quasiment impossible de supporter la durée du trajet entre Lons-le-Saunier et Saint-Claude, tant les mouvements de lacet et tangage sont importants.

Voiture mixte 1ère/2ème classe à Lons-le-Saunier en 1945 (cliché J. Monternier, Coll. JL. Rochaix).

En partie à cause de cela, les tramways départementaux du Jura étaient surnommés les « tortillards », et non pas pas « tacots » comme beaucoup de monde le pense.

Suite à ce choix, 3 voitures à bogies de deuxième classe et 4 voitures à bogies mixtes 1ère/2ème classe sont livrées en 1907, et utilisées en priorité sur la ligne de Saint-Claude, les deux embranchements récupérant les voitures à deux essieux. Elles sont numérotées 54 à 56 et 26 à 29, et toutes munies d'un système de chauffage par poële à charbon et thermo-siphon.

Aucun nouveau matériel voyageurs n'aura le temps d'être livré sur le réseau de Lons-le-Saunier avant la guerre de 1914-1918 et il n'y en aura jamais d'autre. Les voitures étaient peintes en vert foncé (vert wagon selon certains témoins), au moins à partir des années 1930.

Les seules voitures voyageurs livrées après-guerre sont les quatre voitures à bogies mixtes n°57 à 60 du réseau de Champagnole. Celles-ci sont munies de caisses en bois tôlées, bas de caisse vert foncé et haut de caisse crème.

Durant l'entre-deux guerres, suite à la baisse de fréquentation des voyageurs et au peu de crédits accordés, l'entretien des voitures laisse grandement à désirer : lampes à pétroles en mauvais état (elles fuient sur les habits des voyageurs), chauffage insuffisant durant l'hiver, vitres brisées non remplacées, ...

Cet état de fait ne ramène bien sûr pas les voyageurs, et la seule amélioration consentie par le département et le concessionnaire a lieu à la fin des années 1920, lorsque la Société l'Éclairage sur Rails propose de faire un essai d'éclairage électrique gratuitement durant un an sur une rame voyageurs.

Voiture à bogies à Champagnole-SNCF en juillet 1949 (cliché C. Schnabel, coll. JL. Rochaix).

Une « rame » se compose d'un fourgon-postal muni d'une dynamo et de batteries, d'une voiture à bogies et de deux voitures à deux essieux.

Alléché par la proposition, le Conseil Général accepte le 31 mai 1929 de procéder à cet essai. Très vite l'accueil favorable de la part du public incite le département à acheter définitivement cette installation, et à décider le 6 mai 1930 l'installation sur deux autres rames. Les trois rames circulent à la fin de l'année 1931 (voitures équipées avec certitude : 28, 39, 40, 48, 50, 51, 52, deux autres voitures à bogies étaient aussi équipées).

Cette idée n'était pourtant pas nouvelle, puisque dès le mois de décembre 1925 il avait été proposé au Conseil Général d'équiper les trains de la ligne de Saint-Claude de l'éclairage électrique, il était à l'époque prévu d'équiper cinq rames au total.

Voitures à deux essieux à l'abandon au dépôt de Champagnole en juillet 1949 (cliché C. Schnabel, coll. JL. Rochaix).

La décision de mise sur route du trafic voyageurs à partir de 1931 entraîne le garage d'un certain nombre de voitures à deux essieux, et deux documents des 28 septembre et 4 octobre 1933 mentionnent l'existence de « voitures voyageurs en mauvais état, sans éclairage électrique, garées dans différentes stations du réseau, ainsi qu'à Champagnole, 14 voitures peuvent être vendues ».La décision de mise sur route du trafic voyageurs à partir de 1931 entraîne le garage d'un certain nombre de voitures à deux essieux, et deux documents des 28 septembre et 4 octobre 1933 mentionnent l'existence de « voitures voyageurs en mauvais état, sans éclairage électrique, garées dans différentes stations du réseau, ainsi qu'à Champagnole, 14 voitures peuvent être vendues ».

Ces quatorze voitures ne trouvant apparemment pas preneur, elles sont semble-t-il refoulées sur les voies de garages inutilisées du réseau de Champagnole. Vingt voitures au total sont ainsi garées jusqu'à la fin des années 1930.

Avec le retour du trafic voyageurs pendant la deuxième guerre mondiale, quatre de ces voitures sont remises en service : deux sur Champagnole et deux sur Lons-le-Saunier. Au 3 octobre 1942, seize voitures sont encore garées sur le réseau de Champagnole (six au dépôt de Champagnole, cinq à Censeau et cinq à Foncine-le-Bas). Elles sont signalées comme étant dans un état médiocre (caisses et intérieurs à réparer et à repeindre, toiture à réparer, quelques banquettes à changer, attelages à revoir, timonerie de frein et réservoir d'air à réviser).

Onze de celles-ci finissent leurs jours sur le réseau de Champagnole, parfois démunies de leur châssis. À la fermeture de ce réseau en 1950, huit de ces voitures étaient toujours munies de leur châssis (n°32, 33, 35, 41, 43, 44, 46 et 53).

Durant les années 1930, plusieurs locations interviennent avec la Régie Départementale du Chemin de Fer Électrique Morez-La Cure, qui est confrontée à une forte affluence de voyageurs.

À partir de l'hiver 1934, les voitures à bogies n°26 et 27 sont louées, et ce au moins jusqu'à la fin de l'année 1935, il est même possible que la location ait duré jusqu'à la fin de l'année 1936.

Puis à partir de 1937, la voiture à bogies n°28 (avec peut-être la 27 ?) est louée jusqu'à la fin de l'année 1938, avec à partir du début de l'année 1938 une ou deux voitures à 2 essieux en renfort (n°34 et 36 ?). La voiture n°34 a terminé ses jours sur le M.L.C., puisque sa caisse est longtemps restée entreposée le long du dépôt des Plantaz (Suisse) ; elle a été récupérée par le M.T.V.S., classée monument historique, elle est en attente de restauration.

Durant l'hiver 1940-1941, il semble que les C.F.D. aient loué une remorque voyageurs à bogies du réseau de Champagnole afin d'assurer quelques trains MV sur la ligne de Mouthe, alors coupée de Pontarlier.

Lors de la fermeture du réseau de Lons-le-Saunier en 1948, l'ensemble du matériel roulant voyageurs est vendu à la ferraille, à l'exception de trois voitures à bogies qui sont vendues au M.L.C. pour location au NStCM, au prix de 160.000 francs pièce. Il s'agît de deux voitures mixtes 1ère/2ème classe et d'une voiture de deuxième classe, livrées au NStCM à la toute fin de l'année 1949.

Une des trois voitures cédées au M.L.C. en 1948, Saint-Cergue août 1961 (cliché JL. Rochaix).

Une des deux voitures mixtes est rapidement mise à l'écart (pour des raisons inconnues), ses bogies sont récupérés pour équiper la voiture C25 du NStCM, et sa caisse restera quelques années entreposée le long du dépôt des Plantaz, au début des années 1950.

Les deux autres voitures, numérotées C4 4 et 5, ont eu une carrière plus longue, la 4 n'étant démolie qu'en janvier 1989, et la 5 cédée au chemin de fer de la Mure en juin 1992.

Les quatre voitures du réseau de Champagnole ne semblent pas avoir échappées au ferraillage en 1950.

Tout le matériel était muni du frein à air Westinghouse.

Annexes : livraisons et caractéristiques techniques

copyright Elie Mandrillon 2005